« Même si Sienne est une ville animée aucun
cheval n'avait pu m'être prêté. Malheureusement,
les routes étaient trop dangereuses pour qu'une femme comme
moi parte toute seule. Je payai donc un guide qui m'accompagna
pendant tout mon voyage ».
Elle montra alors, près d'une des nombreuses colonnes de
marbre soutenant le toit, un homme. Il semblait très vieux
car de nombreuses rides se formaient sous ses yeux et aux coins
de sa bouche. Il était vêtu de brun et de beige,
portant une grande tunique déchirée. Sans que Charlotte
et Jacques ne s'en soient rendus compte, il les avait suivis et
observés depuis le début de leur conversation.
« Il se nommait Henri, continua-t-elle. Il me dit :
« Si cela ne vous dérange pas, je vous accompagnerai
à Saint Jacques de Compostelle, ce qui me permettra de
renvoyer ce guide ».
Charlotte et Jacques hochèrent la tête.
« Je disais donc Ah oui ! Je dus donc marcher jusqu'ici.
Mon voyage fut long et pénible. J'en garde d'ailleurs toujours
les nombreuses blessures et ampoules sur mes pieds qui sont dues
au frottement de mes sabots ».
Elle leur montra alors ses pieds. Ils étaient en effet
écorchés et rouges de sang. Des bandages leur avaient
apparemment été appliqués.
« Avant de partir, j'avais pris quelques provisions en plus
de celles qu'on m'avait données. Malheureusement, j'arrivai
à bout de celles-ci et je dus m'arrêter dans une
ville grandiose: Florence.
Je me baladai dans les rues de cette ville magnifique. Ces rues
étaient larges et longues, pavées de pierres plates.
Les bâtiments, collés les uns aux autres étaient
de couleurs pastels qui donnaient un ensemble féerique.
Des géraniums rose fuschia étaient accrochés
sur les balcons et donnaient des taches de couleurs vives à
ces rues. Celles-ci étaient pleines de gens qui marchaient
dans toutes les directions.
Après m'être faite bousculer deux ou trois fois,
je perdis l'équilibre et tombai sur un jeune homme qui
m'aida à me relever. Après quelques instants de
silence, un cri de joie sortit de nos bouches. En effet, je reconnaissais
cet homme.
Sa peau était blanche. Ses yeux magnifiques étaient
d'un bleu mer profond et fascinants. Il était vêtu
de noir et blanc, comme moi-même. Je le connaissais en effet
du couvent.
Il se nommait Grégoire et était un prélat
envoyé par le Pape. Chaque année, il venait vérifier
que tout dans le couvent était en règle. Parce qu'il
connaissait mes parents avant qu'ils n'aient leurs problèmes
d'argent, il restait en contact avec moi et chaque année,
nous parlions ensemble Ce qui m'avait surpris était que
l'année de mon départ, il n'était pas venu,
contrairement à son habitude.
Je lui demandai pourquoi et il m'expliqua qu'il était devenu
professeur à l'université de Sienne. Il poursuivit
son explication : son enseignement avait été tellement
apprécié que tout le monde voulait voir ce génie
de l'instruction et que la cour de Florence avait demandé
à le rencontrer.
C'etait donc la raison de sa présence. Heureux de s'être
rencontrés ainsi, nous allâmes manger ensemble. Pendant
ce déjeuner de fête, nous discutâmes et notre
envie de se parler plus longtemps l'entraîna à m'inviter
à l'accompagner à la cour en tant qu'assistante.
Comblée d'honneur, j'acceptai sans hésiter et nous
partîmes en direction de la cour !
Après environ vingt minutes de marche, nous arrivâmes.
C'était magnifique ! Des ducs, des barons des milliers
de personnes richissimes étaient là ! Après
des heures de conversation avec toutes ces personnes, le seigneur
fit le silence et demanda à Grégoire et moi-même
de nous avancer. Nous le fîmes et le seigneur commença
un long discours racontant toute l'histoire de Grégoire.
Après cela, il nous pria de nous asseoir. Il claqua alors
dans ses mains et un jeune homme, brun, se présenta devant
nous. Le seigneur lui fit signe et le jeune garçon s'approcha.
Après quelques mots discrets à l'oreille, il repartit
en courant. Quelques instants plus tard, il revint, deux verres
et une carafe à la main. Il les passa à son seigneur
qui en donna un à Grégoire. Après avoir servi
le vin, le garçon courut et revint ensuite avec une bourse
en daim marron. Il la tendit à son maître et repartit.
Le seigneur se leva alors, tendit courtoisement la main à
sa femme, pour l'aider à se lever puis, solennellement
prononça quelques paroles en latin et remit la bourse à
Grégoire. Effarée, je vis Grégoire remercier
galamment le seigneur. On aurait dit qu'il était aussi
courtois que tous ces barons et ducs et qu'il n'était plus
le jeune paysan que j'avais toujours connu. Après bien
des remerciements et des morceaux de musique, Grégoire
et moi décidâmes de quitter ces lieux. Grégoire
alla remercier courtoisement le seigneur et ses invités
puis me tira par le bras et nous sortîmes. J'étais
émerveillée !
Après un bon repas et une nuit de sommeil, je repartis.
J'embrassais Grégoire qui, toujours galamment, m'avait
offert trois pièces de sa bourse et m'avait aussi, bien
sur, invitée à ces festivités courtoises.
Après de longs adieux, je partis ».